Les mycorhizes, ou comment apporter croissance et bien-être aux bonsai

Les mycorhizes existent depuis des millions d’années et se retrouvent naturellement dans les sols. Elles représentent une solution à fort potentiel pour la production végétale mais ne sont pourtant pas utilisées de façon automatique, notamment dans la culture des bonsai.

Mais alors qui sont-elles ? Quels sont leurs rôles et leurs atouts pour vos bonsai ?

Un peu d’histoire : Des fossiles d’hyphes et de spores datant de 460 millions d’années (bien avant les dinosaures) indiquent que les champignons de type Glomales (responsables des mycorhizes à arbuscules) peuvent avoir joué un rôle crucial en facilitant la colonisation de la surface terrestre par les plantes.

Mycorhize’ vient du grec mukès (champignon) et rhiza (racines). Le terme a été utilisé pour la première fois en 1885 par le savant allemand Albert Bernard Frank pour définir cette structure symbiotique, qui s’est maintenue chez les plantes jusqu’à nos jours (encadré).

Les mycorhizes sont une association symbiotique mutualiste entre des champignons bénéfiques du sol et des racines. Le principe est simple : la plante émet des exsudats racinaires pour faciliter la germination des spores de champignons et guide la croissance de l’hyphe (filament constitutif du mycélium) vers ses racines grâce à un signal volatile (émission de CO2).

Lorsque les champignons mycorhiziens ont trouvé et colonisé les cellules racinaires, des structures fongiques sont formées et vont devenir les lieux d’échanges préférentiels entre les champignons et la plante.

En parallèle, les hyphes se développent autour des racines et étendent ainsi le volume d’exploration du sol de façon conséquente : sous 1 m2 de sol, la surface des hyphes représente environ 100 m².

Une fois la symbiose fonctionnelle, les champignons reçoivent des substances carbonées issues de la photosynthèse de l’arbre et, en retour, ils fournissent des éléments nutritifs et de l’eau. (Figure 1)

mycorhizes bonsai umi zen

figure 1 : Principe de la symbiose mycorhizienne – les champignons permettent une meilleure absorption des éléments nutritifs et de l’eau par les racines. En retour, la plante fournit des sucres aux champignons. ©INOCULUMplus

Les types de mycorhizes

Les plantes et les champignons ont co-évolué depuis des millions d’années. Les mycorhizes concernent 95 % des plantes terrestres, il est donc rare de trouver dans la nature une plante non mycorhizée !

Selon leur morphologie, on distingue différents types de mycorhizes. Celles qui nous intéressent dans le cas précis des bonsai sont les ecto (foresterie) et les endomycorhizes (horticulture et agriculture). (Figure 2)

mycorhizes bonsai umi zenfigure 2 : Présentation des différents types de mycorhizes et de leurs spécificités représentés sur une coupe transversale de racine (modifié d’après F. Le Tacon, INRA Nancy – La Recherche n°166 mai 1985, repris dans le livre de F. Halle ‘Aux origines des plantes’ éditions Fayard 2008)

– Les plus connues : les ectomycorhizes

Un des exemples le plus connu est l’association des truffes avec les chênes ou noisetiers, mais sachez que la majeure partie des champignons de nos forêts, représentent en fait les fructifications des champignons formant les ectomycorhizes de nos arbres. Ces dernières concernent seulement 5 % des plantes vasculaires (fagacées, pinacées ou bétulacées), en majorité des arbres des forêts tempérées et boréales. Environ 20 000 espèces de champignons appartenant surtout aux Basidiomycètes, Ascomycètes et Zygomycètes forment des ectomycorhizes. Elles sont appelées ecto-mycorhizes car les champignons se développent autour des racines en formant un manteau de filaments très abondants, visibles à l’œil nu (Figures 2 et 3). Le champignon ne pénètre pas dans les cellules de la racine mais forme un réseau de Hartig entre les cellules. Un même champignon peut mycorhizer plusieurs espèces végétales. Il peut se développer seul mais sa reproduction n’a lieu qu’en cas de mycorhization.

mycorhizes bonsai umi zen

figure 3 : Racines de noisetier ectomycorhizée par Tuber mesentericum. ©INOCULUMplus

– Les plus répandues : les endomycorhizes

Elles sont retrouvées chez la plupart des végétaux et concernent 90% des plantes, dont la majorité des plantes agricoles et horticoles cultivées. Les champignons impliqués appartiennent en particulier aux Glomeromycètes (exception faite pour les Ericacées). Les champignons responsables des endomycorhizes se développent à l’intérieur des racines voire même dans les cellules végétales d’où leur nom. Les endomycorhizes ne peuvent pas être décelées à l’œil nu et doivent être observées sous microscope après coloration (Figure 4). La forme majoritaire est l’endomycorhize à arbuscules (Figures 2 et 4) que l’on retrouve chez environ 80% des végétaux. Cette dernière développe des arbuscules (lieu d’échange entre la plante et le champignon) et des vésicules (organes de stockage) à l’intérieur des cellules. A noter que les champignons formant les mycorhizes à arbuscules ne peuvent pas vivre sans racines d’une plante hôte : ce sont des biotrophes obligatoires.

mycorhizes bonsai umi zen

figure 4 : Racine mycorhizée (mycorhizes à arbuscules) colorée à l’encre – Observation au microscope. ©INOCULUMplus

Quel intérêt pour nos bonsai ?

Il nous faut aujourd’hui de toute urgence repenser notre façon de cultiver, que ce soit par rapport à notre impact sur la nature mais aussi à nos moyens de plus en plus limités de contrôler les différents ravageurs. Travailler nos bonsai avec la nature, ce qu’elle a à nous offrir et tout ce qu’elle sait déjà faire toute seule pour sa survie est possible !

Les mycorhizes sont un acteur primordial dans les sols et représentent une forte potentialité pour la culture des bonsai. Elles apportent une assurance non négligeable de pérennité car elles améliorent la physiologie des arbres en permettant un apport équilibré en éléments nutritifs et en eau, une meilleure stabilité, une plus grande résistance face aux stress et une protection contre les agents pathogènes.

  • Amélioration de la nutrition et de la croissance

Les champignons mycorhiziens développent dans le sol un immense réseau de mycélium capable d’explorer efficacement celui-ci à la recherche des nutriments et d’eau nécessaires à la croissance de l’arbre. Ces filaments fongiques, beaucoup plus fins que des racines, arrivent à pénétrer les plus faibles interstices de sol décuplant ainsi la prospection et l’accès aux ressources mais également des matières fertilisantes. Cet accès privilégié permet à l’arbre d’être approvisionné selon ses besoins et de faire face à des périodes de stress telles que la sécheresse par exemple. Les champignons assurent ainsi la recherche, le transfert et l’absorption des éléments nutritifs (phosphore, oligoéléments et azote minérale) et de l’eau du sol vers l’arbre ; ce qui améliore la croissance et renforce l’arbre de façon naturelle. (Figure 5)

mycorhizes bonsai umi zen

figure 5 : Bégonia mycorhizé en bas – Bégonia témoin en haut. Effet biofertilisant des mycorhizes

  • Protection face à des agents pathogènes

Grâce aux mycorhizes, la physiologie de l’arbre est modifiée et induit un renforcement des défenses naturelles : il est plus à même de se défendre contre des maladies car en symbiose avec ses partenaires et son sol. De plus, le réseau de mycélium produit autour des racines crée un environnement défavorable au développement d’agents pathogènes racinaires ; la place est occupée par les « bons » micro-organismes. Notez que les mycorhizes jouent un rôle préventif et non curatif ; il faut que le bonsai soit bien mycorhizé avant toute attaque d’agents pathogènes pour éviter la maladie ou amoindrir ses effets.

  • Meilleur ancrage des arbres

Les champignons mycorhiziens à arbuscules excrètent de la glomaline, une glycoprotéine agissant comme glue. Cette colle naturelle permet la rétention des agrégats et une stabilisation de la structure des sols, évitant le lessivage et limitant l’érosion. Grâce à cette molécule, il y a une rétention d’eau au niveau des racines, renforçant ainsi le rôle majeur des mycorhizes dans la résistance au stress hydrique. D’autre part, les racines ne pouvant réellement s’installer et se développer que si l’arbre est stable, l’ancrage permis par les mycorhizes assure lui aussi une meilleure croissance et une moindre mortalité des arbres cultivés en pot. (Figure 6)

mycorhizes bonsai umi zen

figure 6 : Sara Wright, USDA. Champignon mycorhizogène sur une racine de maïs. Glomaline sur les hyphes, révélée par une teinture verte.

Prévenir ou guérir ?

Les champignons mycorhiziens sont naturellement présents dans le sol. La multiplication des mycorhizes en laboratoire a un impact environnemental très faible et sans aucune comparaison possible avec les produits phytosanitaires et autres engrais chimiques encore abondamment utilisés, pour un effet préventif à long terme, naturellement.

Ne traitez plus, mycorhizez !

Témoignage

« Il faudrait savoir cultiver les mycorhizes avant le pin »

Cela fait un peu plus d’une dizaine d’années que je me suis rendu compte de l’importance de la présence des mycorhizes en général dans nos pots à bonsaï. En effet, si au début elles vont utiliser et s’aider des ressources de l’arbre pour s’installer, une fois en place dans un pot elles protègent l’arbre et facilitent l’absorption et les échanges entre l’arbre et les nutriments. La protection se traduit par une résistance accrue aux différents stress ou agressions que subit un arbre en pot (travaux, coup de chaud…). Sa dominance en pot est aussi une manière de protection envers les agents pathogènes. Effectivement, par le fait de leur présence en grande quantité dans le substrat, le phytophtora, même présent dans le pot, ne pourra pas se développer. Olivier Barreau, artisan bonsai

icône umi zen bonsai

Par Janie BOUVET (INOCULUMplus) et Fanchon AROTÇARENA (Umi Zen Bonsai Shop), avec l’aimable participation d’Olivier Barreau

Article paru dans la revue Esprit Bonsaï n°117 de 2022

Photos : Inoculumplus – Tous droits réservés

Laisser un commentaire

mycorhizes bonsai umi zen